Conakry – Logé dans une chambre exigüe dans un réceptif hôtelier de Conakry, Michel Dussuyer y vit depuis son arrivée en Guinée. C’est dans ce studio inapproprié pour un sélectionneur national que le Français passe le plus clair de son temps entre sieste et exercice de sa fonction.
L’exercice à venir impose au technicien français de choisir un cadre plus idéal. Le restaurant au bord de la piscine ouvert à la mer nous accueille pendant plus d’une demi-heure. Le temps nécessaire pour un entretien. Apparemment très satisfait de sa performance avec la sélection nationale avec un moral haut grâce aux congratulations de toutes sortes venant des clients et des membres du personnel de l’hôtel, Michel Dussuyer s’est montré ouvert pour toutes les questions que nous lui avons posées. Les conditions de préparations de son équipe, ses choix tactiques, son avenir et l’avenir de certains joueurs au sein de la sélection, bref tout a été abordé par le patron du staff technique du Syli national.
Guineefoot : Après la qualification du Syli quel sentiment vous anime aujourd’hui ?
Michel Dussuyer : C’est un sentiment de grande satisfaction d’avoir arraché notre qualification. Cela a apporté beaucoup de joie aux joueurs, au staff et à toute la population à la quelle nous avons tout le temps pensé. On sait la situation difficile que vivent les Guinéens à cause d’Ébola. On avait donc tous à cœur de leur offrir cette qualification afin de leur donner la joie.
Guineefoot : A un moment donné, certains Guinéens ne croyaient plus, avez-vous toujours cru à notre qualification ?
Bien sûr. On sait ce qu’on était capable de faire. On avait confiance à nos moyens et à nos possibilités d’aller loin. Avant le match contre l’Ouganda, il y avait une grande détermination chez nous. On savait qu’on pouvait rivaliser avec le Togo et l’Ouganda et prendre des points.
Guineefoot : Qu’est ce qui a changé dans vos choix et dans votre tactique de jeu de façon à redonner de l’espoir aux Guinéens ?
Rien n’a fondamentalement changé. Ce qui a changé, c’est qu’on est bien rentré dans ses deux matches celui contre le Togo et l’Ouganda. Le facteur chance aussi a marché. Le Togo a eu un penalty généreux qui pouvait lui permettre de revenir au score et de relancer le jeu. Mais il n’y a pas eu de mauvaises prestations avant. Il ne faut pas oublier que le parcours a été difficile. Les matchs ont été délocalisés à l’extérieur et on a souvent été confronté par des blessés qui ont perturbé la constitution de l’équipe. J’ai entendu beaucoup de choses qui ne correspondent pas fondamentalement à la réalité. Il ya eu des modifications de choix dues aux blessures ou à des indisponibilités.
Guineefoot : Pourtant vous avez toujours composé avec des absents, mais l’équipe ne s’est jamais bien portée que maintenant.
Il n’y a pas de miracle. Il y a eu du travail et un peu le facteur chance important dans les matches de haut niveau. Il ne faut pas oublier qu’on est bien rentré dans la compétition en battant le Togo. En Ouganda on a été battu, le Ghana aussi a été battu là-bas. Je savais que ça allait être difficile pour les Ghanéens à Kampala. Il faut reconnaitre que c’est difficile de jouer contre l’Ouganda à domicile avec un très mauvais état du terrain qui handicape tous les adversaires qu’ils ont reçu.
Guinéefoot : Parlons toujours de l’Ouganda. La fédération de ce pays dit sentir de la corruption dans votre victoire contre leur équipe nationale. À cet effet la police est en train de mener une enquête. Cette démarche ne vous inquiète pas ?
Pas du tout. Je ne sais pas sur quoi ou sur quel facteur ils s’appuient pour dire ça. Je pense que pour un premier temps, qu’ils ont voulu enlever la pression qui pesait sur leurs épaules en justifiant leur élimination. Je ne sais pas ce qu’il ya derrière, mais à mon avis il n’y a pas grand-chose.
Guineefoot : Kévin a toujours entretenu la polémique autour de lui à cause de ses nombreuses défections qu’il tente de justifier. Où en êtes avec lui ?
Il ya des enseignements à tirer. On va l’étudier avec la Fédé les cas de Kévin mais aussi de Razzagui.
Guinéefoot : Kamil n’a pas joué les derniers matches et l’axe a bien tenu, de l’avis de certains observateurs. Est que ça veut dire que la sélection est finie pour Kamil Zayatte ?
Il y a des choses que j’ai du mal à comprendre. A ce que je sache, il a 29 ans. Pour moi c’est le bel âge pour un défenseur avec l’expérience qu’on peut accumuler. J’ai du mal à comprendre le débat. Kamil traverse une période difficile à cause de ses blessures. Ça a été une période compliquée pour lui. Mais je l’espère qu’avec le travail il retrouvera son meilleur niveau.
Guinéefoot : Ça veut dire qu’on le retrouvera dans l’effectif pour la CAN avec ce niveau ?
En tout cas il a un mois devant lui pour reprendre un bon niveau. Déjà physiquement il a besoin de travailler. Je suis persuadé que d’ici la fin de l’année il va se rétablir complètement, retrouver toutes ses sensations à 100%. Je l’ai invité pour la double confrontation contre le Togo et l’Ouganda, sachant qu’il n’était pas à 100%. Mais c’est quelqu’un qui est aimé et très respecté dans le groupe. Il était important de le retrouver sur le banc.
Guineefoot : Parlant de cette double confrontation, l’on a appris que c’est après une chaude discussion avec Ibrahima Traoré que vous avez abandonné l’idée d’aligner Kamil à Lomé.
Ce sont des contre vérités. Je ne sais pas qui fait couler ses bruits. La seule personne avec qui je discute de la compo de l’équipe, c’est avec mon adjoint, Kolo. Quand il s’agit des gardiens, c’est avec Fodé Laye.
Guineefoot : Vous ne parlez pas avec le capitaine ?
Si, mais pas de la composition de l’équipe.
Guinéefoot : Selon vous, est ce qu’il y a eu du progrès dans les conditions de préparation du Syli ?
Ses derniers temps, il n’y a pas eu de gros couacs dans la préparation du Sily. Le ministère des Sports a suivi en essayant de mettre les moyens à la disposition de l’équipe. On reste tout le temps perfectible. Sinon moi je considère qu’il ya eu des avancées. Les programmations sont faites pour qu’on soit dans de meilleures conditions.
Guineefoot : Est-ce qu’on peut s’attendre à de nouveaux joueurs dans l’effectif pour la CAN ?
Aujourd’hui, Il ya un effectif qui est constitué, qui a donné satisfaction, à mon esprit qui va disputer la CAN. Après on verra s’il ya des révélations d’ici janvier j’en serai attentif.
Guinéefoot : Ça veut dire qu’il n’y aura pas de nouveaux joueurs pour la CAN ?
Tirer les conclusions que vous voulez.
Guineefoot : Quel est la situation des certains binationaux, notamment Bouna Sarr qui a son passeport depuis des mois et qui n’est pas appelé.
Vous évoquez tout le temps la même chose. Bouna Sarr a été convoqué à son temps lors du match amical contre l’Algérie, il n’a pas répondu à la convocation. Des temps ont passé, des joueurs se sont relevés et se sont imposés dans ce secteur de jeu. Les choses restent ouvertes. La possibilité qu’il soit sélectionné existe.
Guinéefoot : Mais pas pour cette CAN ?
Je ne sais pas.
Guineefoot : Quel est votre plan de préparation ?
Vous savez, la FIFA nous offre la possibilité d’avoir nos joueurs 14 jours avant la CAN. On va bien profiter. On va faire un stage de 8 à 10 jours. Mais je ne sais pour le moment où, car rien n’est encore fait.
Guinéefoot : La CAN au Gabon et en Guinée Équatoriale n’a pas été une réussite pour le Syli, vous y retournez en revanchard ?
Tout le monde a été unanime pour dire que notre prestation a été bonne.
Guinéefoot : Bonne mais avec une élimination au premier tour ?
Bonne prestation malgré tout. Mais ce qui nous a manqué, c’est le facteur chance qu’on ne maitrise pas. Le contenu était bien. Il est bien évident que notre objectif c’est d’aller très loin dans la compétition. On va étudier le tirage au sort. On va voir les adversaires, on va étudier les sites qui vont nous être proposés. Je crois que le premier objectif, c’est de franchir le premier tour.
Guineefoot : Le tirage au sort c’est cette semaine. Quelles sont les équipes que vous aimeriez rencontrer?
Moi, ce que je souhaite c’est de jouer à Bata ou à Malabo où les installations sont très bien. Pour les autres sites, je n’en connais pas. Sinon je n’ai pas d’autre préférence, parce que ça ne sert à rien car il faut passer par le tirage au sort.
Guinéefoot : Quelle est votre situation salariale aujourd’hui ?
J’ai été totalement réglé hier (NDLR, vendredi 28 novembre 2014).
Guineefoot : Des informations disent que Michel est resté, malgré ses conditions difficiles de travail, c’est-à-dire 10 mois sans salaire, parce qu’il voulait cette qualification et une participation honorable à la CAN afin d’avoir de meilleures offres au finish. Qu’en dites-vous ?
C’est étrange que les gens pensent à ma place. Ce sont des interprétations qui n’ont pas de fondement. Depuis que je suis avec ce groupe, je me suis dit qu’il faut avancer avec. L’échec de Niamey m’a fait mal et a fait mal à tout le monde. J’avais à cœur de redresser ça. Cela été mon moteur et ma motivation. Pour l’instant je suis totalement focalisé sur le rendez-vous de la Guinée Equatoriale.
Guineefoot : Vous n’êtes pas tenté d’aller voir ailleurs après tout ce temps passé à la tête du Syli ?
On fera le bilan après la CAN.
Guinéefoot : Ça veut dire que vous ne serez pas contre une prolongation si on vous faisait la proposition après la CAN ?
Je dis qu’on verra après la CAN. Pour le moment je reste focalisé sur la CAN.
Guineefoot : Comment vous vivez en Guinée pendant cette période d’Ebola ?
Bien, je connais cette situation qui est difficile même si on ne sent pas l’existence de la maladie ici. Il faut être vigilant pour ne pas qu’il se propage d’avantage. Mon souhait le plus absolu c’est de finir avec ce virus pour que reprenne de la plus belle la vie dans ce pays.
Guineefoot : Merci Michel pour votre disponibilité et la qualité de l’accueil que vous nous avez réservé.
Michel Dussuyer : C’est à moi de vous remercier.
Interview réalisée par Lamine Mognouma Cissé